Interview avec Gilles SENGES, L’Opinion.
Quelle est l’ambiance ces jours-çi en Grèce ?
L’opinion publique commence à être affolée. Cela fait cinq mois que, tous les trois jours, le gouvernement d’Alexis Tsipras lui annonce un accord imminent. Or, non seulement rien ne vient mais du fait de l’incertitude la situation économique ne cesse de se dégrader. Tout est paralysé! Au lieu d’une croissance attendue de 2,8% pour 2015 les dernières estimations donnent 0,5% ou 0% , et c’est déjà optimiste. Le chômage qui avait baissé dix mois consécutifs est de nouveau en hausse. Les recettes de l’Etat n’arrivent pas à atteindre les objectifs. Les recettes publiques chutent ; les banques ont enregistré pour plus de 35 milliards d’euros de retraits depuis le début de l’année, ce qui représente 15% du PIB et même le tourisme qui marche bien commence à être impacté. Le gouvernement gaspille sont énergie à des « négociations » interminables avec les créanciers et à des actions de communication au lieu de s’occuper de l’économie réelle. Au bout de six mois, le bilan est catastrophique. Alors que la Grèce renouait avec la reprise après six ans de récession, avait réussi à réduire d’une façon spectaculaire son déficit, à rendre sa dette plus viable et à créer une atmosphère de confiance, l’arrivée de Syriza a tout bouleversé. Avec leurs exigences maximalistes, nos créanciers n’ont pas fait preuve d’une grande vision politique en empêchant un accord avec le précédent gouvernement avant les elections de janvier.
Comment réagissent les gens ?
La diabolisation de l’UE, du FMI, de l’Allemagne, de la troika, plus globalement de tout ce qui est étranger par Syriza et ses alliés d’extrême droite empoisonne une partie de la société grec. L’élément nouveau de ces derniers jours vient de la mobilisation de la majorité silencieuse, pro-européenne, via les réseaux sociaux comme Facebook. Après une première manifestation jeudi dernier, une autre se prépare ce lundi soir qui promet d’être plus importante encore. Plus importante même que celles de Syriza ces derniers jours contre Bruxelles.
Le gouvernement sait que le maintien de la Grèce dans la zone euro et dans l’UE est une ligne rouge pour la vaste majorité des Grecs. D’où la nervosité avec laquelle il réagit à la mobilisation pro-européenne. Ces dernières années, Syriza avait le « monopole » des manifestation et il en a souvent abusé.
Quelle est la marge de manœuvre d’Alexis Tsipras ?
Le mandat donné le 25 Janvier à Alexis Tsipras et ses amis était clair mais contradictoire: il faut rester dans la zone euro mais sans austérité ni réformes. Alors que l’heure de vérité approche, il se trouve désormais dans une impasse stratégique. Soit il se ridiculise vis-à-vis de son électorat et des durs de son parti en acceptant un accord avec les créanciers qui sera plus dur que celui négocié par le précédent gouvernement du fait même de l’effondrement récent de l’économie grecque, soit il va au conflit avec les créanciers, il mène le pays vers une aventure dramatique et et il est obligé d’organiser de nouvelles élections.
Quel est son intérêt à se montrer intransigeant?
Il demeure encore très populaire alors que même le meilleur des compromis risque de signifier la fin de sa carrière politique. Ce qui est grave c’est qu’on peut se demander, aujourd’hui, s’il n’avait pas dés le départ un plan B. Comment expliquer sinon le refus de Ianis Varoufakis, le ministre des Finances, de négocier d’une facon sérieuse avec ses homologues européens? Comment expliquer qu’il avalise par sa présence la présentation par la présidente du Parlement, une populiset anti-européenne issue de son propre parti, un soi-disant rapport sur la « vérité de la dette grecque » qui conclut que la dette est illégale et ne doit pas être payée en conséquence ? Et ceci au moment même ou le gouvernement demande de nouveau prêts!